Ça ne mange pas de pain

Jaston était en piètre forme. Il n'avait pas vraiment bien dormi avec tout ce qui s'était passé la veille. Et quand on exerce le métier de boulanger, levé avant tous les autres, il est pourtant recommandé de savoir profiter de sa nuit. Tant pis.

Ce qui s'était passé la veille... Il fallait s'y attendre. Le maître n'avait pas apprécié plus que ça qu'on lui renvoie son pain. Certes, il était payé, mais qu'allait-on faire de tout ce chargement ? On n'allait certainement pas le jeter ! Mais tous les apprentis n'était pas assez nombreux pour le manger dans son intégralité. Et Pistore Clotaire répugnait à le laisser à des pauvres qui l'engloutiraient comme n'importe quel pain moins raffiné. Enfin, ç'aurait été stupide aussi de le donner à des riches. Il ne restait pas beaucoup d'options. Les apprentis eurent un meilleur repas ce jour-là que les autres, le reste alla faire le bonheur de quelques indigents sommés de dévorer lentement, Pistore fit savoir clairement que ce n'était pas là un cadeau de la maison mais bien du palais impérial, on se dit que c'était peut-être un petit geste pour fêter le mariage si attendu.

Trois coups furent frappés à la porte du dortoir. Quelqu'un alluma une bougie. Jaston frotta ses yeux cernés et rougis. Puis il se leva et entama la routine matinale. L'odeur de la bougie leur intimait de ne pas traîner. Et surtout, il y avait cette tension dans l'air qui leur annonçait que ce jour-là encore plus qu'un autre, il ne faudrait pas contrarier le maître.

Dans la cuisine du personnel, on fit chauffer de l'eau et on y ajouta des plantes remontantes. Il n'y avait que Pistore Clotaire pour ne pas en avoir besoin au commencement de la journée. Ici, on ne petit-déjeunait vraiment qu'après s'être acquittés des nombreuses commandes matinales. On ne parlait pas beaucoup non plus car il y avait du pain sur la planche, et les quelques bougies, même accompagnées de la lueur d'un four à pain, ne remplaçaient pas la lumière revigorante d'un soleil toujours au lit.