Nom : Théodric est le nom par lequel me désignent ceux de mon peuple. Mais pour toi cependant et ce par la volonté d'Hodan, ce ne sera que sous l'appellation de "Fléau" que tu me nommeras. Car à la saison prochaine c'est sur tes terres que nous galoperons...
Titre : Chef des Salamates. J'aide Vertinge en usant de mon peuple comme du fer de lance de ses armées, et j'ai la prétention d'affirmer que mes conseils valent autant de flèches dans la guerre qui s'annonce.
Domaine : Notre domaine est à la frontière de celle de l'Empire et notamment de Suss-Mayern, incorporé dans l'alliance des Royaumes du Nord. Toutefois je n'aime guère ce terme, car nous autres Salamates sommes nomades et n'accordons de valeur aux territoires qu'en ce qu'ils peuvent accueillir et nourrir nos troupeaux. Ainsi nos terres sont tous les pâturages, quoique bientôt nous les quitterons pour venir porter la guerre à l'Empire.
BG : J'ai vu le jour il y a trente-deux hivers de cela, parmi les femmes Salamates qui aident nos compagnes à mettre leurs enfants au monde tandis que les hommes cherchent réconfort entre eux, n'ayant de maîtrise en enfantement que lorsqu'elle concerne un poulain. J'étais le dernier fils de mon père, précédé de deux aînés âgés respectivement de sept et cinq ans.
En tant que descendant du chef du clan, les premières années de mon existence ne furent ni plus tendres ni plus instructives que celles des autres jeunes. Nous avions tous, quel que soit notre paternel, le même chemin à emprunter ; celui de la monte.
Les concepts de propriété, de demeure, de valeur marchande et de monnaie ; autant nous pouvons les appréhender, autant il nous sera toujours ardu de les comprendre tout à fait. Notre existence est tournée vers la voie du nomade, où l'homme chevauche à cru dans les plaines, où sa volonté accompagne celle du vent et où nous rendons hommage à Hodan en faisant écho à son tonnerre avec les sabots de nos montures lancées au galop.
Je savais qu'il y avait une chance pour que le conseil me désigne un jour comme chef des Salamates. Mais, pour être totalement franc, je ne m'en suis jamais préoccupé. Moi, Théodric fils de Galien, me destinait en tout amour fraternel à servir un jour l'un ou l'autre de mes aînés, sans doute plus sages, plus aptes à régner et plus subtils que je ne le serai jamais. Les affaires du Clan, la gestion délicates des réserves et la reconnaissance des signes indiquant un proche départ... Tout cela, je ne m'y suis jamais intéressé que de loin, vivant au rythme des autres Salamates comme n'importe lequel d'entre eux.
J'avais huit ans lorsqu'Alaric, âgé de quinze, mourut d'une mauvaise chute. Mis à terre par sa monture qui avait trébuché sur le sol pierreux d'une bande rocheuse à la poursuite du gibier, il fut piétiné par le reste de la troupe qui le talonnait. Nous avons pleuré sa perte pour toute l'injustice dont elle était emplie, mais nous savons tous qu'un jour où l'autre, l'existence s'achève, quelle que soit notre juvénilité.
C'est à partir de ce moment-là que j'ai pris réellement conscience qu'un jour je pourrais être chef.
Les années passèrent. Je découvrais tous les secrets que la vie dévoilent peu à peu à un Salamate : ceux des femmes, des chevaux, des nuages dans le ciel glacé. Je devins un excellent cavalier, un bon pisteur, un chasseur émérite. J'étais encore jeune, mais j'aimais la vie avec une grande sincérité. Je me suis toujours dit que de tous les peuples du Nord, nous autres Salamates étions les plus favorisés car le temps s'écoulait au rythme de notre joie et de notre symbiose avec les chevaux. Il n'y a rien qui n'apporte davantage de bonheur qu'une journée passée à monter, chasser et prendre soin de sa compagne.
Puis, un jour... ce fut la guerre.
Nous fûmes parmi les derniers à combattre Vertinge. Il avait déjà soumis sous sa bannière plusieurs Clans du Nord, et malgré notre aisance à refuser le combat, juchés sur nos chevaux, il nous fallait bien nous regrouper une nuit et livrer bataille face à ses troupes qui sillonnaient nos terres de partout.
Ne crois pas que parce que nous avons l'habitude de harceler nos adversaires, nous sommes de piètres guerriers. Certes, nous n'avons pas la brutalité des Frondins ou l'armement des Frégondes, mais nos coeurs sont valeureux et notre foi en nos lames est grande. Pourtant, il fallait davantage que de la vaillance pour faire face à Vertinge.
Mon frère et mon père sont morts face à ses soldats. Les Salamates subirent d'effroyables pertes dans ce conflit, et nous n'eûmes d'autre choix que de descendre de nos chevaux pour mettre le genou en terre devant le fou de guerre venu du Nord.
Ce fut la première fois de toute notre histoire, d'après les anciens et leur mémoire, que le conseil n'avait à élire le chef puisqu'il n'y en avait plus qu'un de possible.
Moi.
C'est dans les larmes et le sang que j'ai pris le titre de chef des Salamates. Au départ, je concevais de la haine pour Vertinge. Il avait réduit les fiers cavaliers au simple statut de combattants dans ses rangs. Mais, peu à peu, j'ai changé. C'est à ce moment-là que je suis véritablement devenu homme.
Je me suis assagi.
J'ai compris que Vertinge avait été comme l'hiver au cours de l'année : un évènement dur et improbable qu'il fallait bien endurer. On ne lutte pas contre le saison froide une fois qu'elle s'est imposée, on ne peut que s'y adapter. C'est d'un nouvel oeil que j'ai considéré le "Roi du Nord". Il avait réussi l'impensable pari de réunir les Clans, mais son ambition n'était pas un fléau. Tous, nous nous mîmes à lorgner l'Empire en suivant son regard. J'ai côtoyé les autres chefs, j'ai côtoyé celui qui était responsable de la mort des miens. Et j'ai saisi le sens de ce qu'était ma responsabilité.
Mener les Salamates vers un lendemain meilleur.
J'ai accepté cela. J'ai porté le manteau de chef avec une toute nouvelle et sombre fierté. Ce monde est dur, et cruel. C'est le monde de la guerre et des morts. Celui de l'acier. J'en conviens, il n'est guère joyeux, mais maintenant je le sais...
C'est
notre monde. Et demain, en défiant tes armées, je te le prouverai.