Rencontre avec le pontife

Alors que Phélys se tenait devant la basilique, il ne put s’empêcher de repenser à ce qui était arrivé trois jours plus tôt. Et pour cause, cela avait un rapport avec sa venue ici.

Cela avait été le chaos dans son esprit suite au départ de ses visiteurs nocturnes. Exceptionnellement, il ne pria pas cette nuit-là. Il se coucha directement.

La nuit, courte se levant à l’aube voire avant généralement, lui avait porté conseil. Le calme était apparemment revenu dans sa tête. Il devait rencontrer le Pontife pour faire avancer leur projet. Le soutien de l’Eglise ne serait pas négligeable pour consolider ou plus exactement bâtir les fondations de la position de Mylina. Et qui mieux qu’Athanase XII pour cela.

Mais, rencontrer le pontife n’était pas chose aisée. Heureusement pour lui, Phélys avait l’avantage d’être un comte. Un titre pourrait l’aider dans cette situation.

Cependant, avant de se tenir devant le saint homme, il lui fallait prier Téléphane. Pour s’excuser de ne pas lui avoir rendu grâce la nuit précédente comme il le fallait. Pour lui demander conseil, à nouveau. Pour lui donner du courage afin d’effectuer sa démarche. Pour apaiser ses pensées. Parce qu’il faisait toujours ainsi.

Il lui avait donc fallu trois jours pour rassembler tout le courage nécessaire pour se rendre à la basilique.

Le monument était impressionnant, majestueux. Le symbole parfait de la grandeur de Téléphane. Phélys ne put que s’agenouiller et réciter une courte prière à l’adresse de son Dieu. Cela l’apaisa et le réconforta.

Le comte entra enfin dans la basilique. Tout comme l’extérieur, l’intérieur était grandiose et sublime. Phélys trouvait que cela faisait trop, que l’on éloignait de la simplicité que l’on devait rechercher pour Le vénérer.

A peine quelques pas de fait, qu’une personne vint à sa rencontre lui demandant la raison de sa visite.

« Je viens dans l’espoir de m’entretenir avec sa sainteté. Je suis le comte Phélys de Marmane. » répondit-il simplement.

Il me prenait pour un garde ou quelqu’un d’une caste inférieur. Comte? Il devrait être capable de reconnaitre un noble lorsqu’il en voyait un, non? De plus il avait l’air plus âgé que moi d’environ une dizaine d’années.

D’accord, peut-être est-ce l’armure et l’épée qui l’on conduit en erreurs mais j’étais tout de même furieux intérieurement. À Lazard, porter les armes était choses courantes pour se protéger de futures invasions barbares. Je suppose que le comté de Marmane n’était pas sujet aux attaques.
Mais le comte perdait son temps en venant ici.

Cela faisait trois semaines que j’attendais pour une audience de sa sainteté. J’avais passé une semaine dans la Basilique Sacrée en silence et en prenant mon mal en patience. La seconde j’étais parti en ville.

J’en étais à la troisième semaine d’attente et on me prenait pour un laquais!

-Bienvenue dans Sa demeure, Comte Phélys de Marmane, dis-je le plus courtoisement possible en cachant ma colère. Je suis Aderör Darim, Baron de Lazard. J’attends moi-même pour recevoir une audience de sa sainteté. Heureux de faire votre connaissance, rajoutais-je en lui tendant la main.

Phélys ne remarqua aucunement la colère cachée de son interlocuteur. Même non dissimulée, il ne l’aurait vue. C’est donc avec un plaisir véritable et sans arrière pensée qu’il tendit sa main et serra celle du baron.

« Heureux de même, baron Darim. » répondit-il d’une voix enjouée. « Ce doit être Téléphane qui a guidé vos pas vers moi. » rajouta-t-il. « Il ne peut en être autrement. Toute rencontre est de Son fait. Il a donc voulu que nous nous rencontrions. Mais, dans Sa grande sagesse, Il nous laisse en découvrir la raison et ce qu’il en adviendra. Loué soit-Il ! » termina-t-il dans un excès de ferveur.

Le comte, excité par cette rencontre, dut se calmer pour reprendre son souffle. Il n’était pas aussi expansif habituellement, mais les derniers jours avaient chamboulé ses dites habitudes. Seule sa dévotion à outrance restait inaltérable. Et, elle le resterait à jamais.

« Puisqu’Il a décidé que nous emprunterions la même route pour un temps encore indéterminé, puis-je connaître ce qui a motivé votre venue en ce lieu ? Je subodore que nos buts convergent d’une certaine façon que nous puissions nous entraider. Sinon, pourquoi nous aurait-Il réunis ? »

Phélys se rendit finalement compte qu’il avait monopolisé la parole, noyant Aderör sous ses propos. Il se tut afin de le laisser respirer, puis répondre.

Puis, à nouveau, son regard se perdit dans la contemplation du magnifique édifice bâti en Son honneur et pour Sa plus grande gloire. Cependant, à la différence d’il y a ne serait-ce que quelques jours, une partie de son attention resta focalisée sur celui qu’il avait pris à tort pour un garde de la basilique.

Aderör regarda le Comte qui lui-même contemplaît l'architecture de la sainte-maison. Celui-ci semblait totalement perdu dans ses pensés. Il avait dans le regard une fascination dépassant même la sienne. La colère se calma, Phélys semblait un peu étourdit de nature, il n'y pouvait rien.

Mais l'appuit d'un Comte pour recevoir une audience auprès du pontife, ce n'était pas n'importe quel soutien!

-Oui c'est sûrement Son oeuvre, répondit Aderör avec un signe vers le ciel. Mes motivations son d'ordre uniquement religieuses et de population. Mon domaine souffre grandement d'un manque de clercs. Le peuple pert lentement foi en Téléphane (Loué soit-Il!) et je croix que l'arrivé d'un contingent de sang frais pourrais aidé mes gens à croire plus facilement en Sa puissance infinie.

Il fit un second signe vers le ciel, le Très-Haut avait droit à toute ses considérations.

-Mais, mon cher Phélys, rajouta le Baron avec un sourire, quel est votre propre but? J'ai été coupé du monde politique ces dernières semaines grâce à Son attente. Mais je vois effectivement un moyen de nous entraider.

Il laissa sa réponse en suspens, et regarda de son côté les fresques du plancher. La lumière céleste de Téléphane se tordait avec la ténébreuse engeance de Perséphon. Que de beauté dans Sa maison!

Etonnamment, Phélys ne regardait pas le pilier qu’il fixait. Son regard perdu dans le vague trahissait l’activité qui se faisait dans son esprit. Il était concentré sur la voix d’Aderör. Il ne pouvait pas ignorer, ou même feindre d’ignorer, un être partageant sa dévotion pour Lui.

A la question du baron, il tourna la tête vers ce dernier.

« Mon but ? Il est extrêmement simple. Mes compagnons et moi avons besoin de Son aide, de Son assistance et de l’appui du pontife pour l’entreprise que nous songeons mener à bien. Malheureusement, sans Son soutien elle serait vouée à l’échec. Car, qui est mieux placé que Lui pour nous montrer le chemin à suivre, la voie à emprunter en ces temps troublés. Nous avons besoin de Son accord pour légitimer notre action. » rajouta-t-il.

Cependant, la raison de la venue du baron en ce lieu l’intriguait, l’inquiétait même. Comment le peuple pouvait-il perdre la foi en Téléphane ?

« Baron, je doute que l’arrivée massive de nouveaux clercs pourrait régler votre problème durablement. J’ai l’impression que le souci se situe plus haut que cela. N’est-ce pas votre propre doute sur Sa puissance que vous répercutez sur votre peuple ? Un dirigeant qui faiblit, doute, fléchit, et c’est tous ses sujets qui en pâtissent. Ayez davantage confiance en Lui et montrez-le. Cela devrait déjà améliorer votre situation. Cependant, je ne puis vous aider sur la manière dont présenter votre dévotion afin que le peuple revienne sur la juste voie. »

Puis, le comte pensa à autre chose. Le baron semblait un homme juste et bon, et croyant qui plus est. Il était venu dans l’espoir d’obtenir de l’aide de la part du pontife. Mais, peut être pouvait-il en avoir de la part d’Aderör aussi. Il subodora que ses deux compagnons ne seraient pas contre la venue d’une tierce personne si elle pouvait augmenter leur légitimité et pouvoir. Cependant, bien que nullement versé dans les arts compliqués de la politique, le dévot avait appris la prudence.

« Cher baron, j’ai une autre question à vous poser. Libre à vous d’y répondre, bien évidemment. Seulement, sachez que j’apprécierais que vous le fassiez de manière franche. Bien qu’ayant été coupé du monde ces derniers jours, vous avez dû ouïr les derniers évènements. L’empereur, gloire lui soit rendu, ne peut plus assumer le pouvoir et normalement son fils devrait lui succéder si son cousin ne lui conteste pas ce droit. Les pensez-vous digne de prendre la tête de l’empire ? »

Phélys avait eu des difficultés pour trouver ses mots. Il avait peiné pour présenter la situation et poser sa question. Il était sûr qu’il aurait pu la présenter différemment, d’une meilleure manière. Mais, il ne l’avait pas fait. Il attendit donc la réaction de son interlocuteur sans cette fois diriger son regard autre part que vers le baron.