Messager de Son Excellence le Comte Ebroin de Mont-Santonge

Uzas, ce nom retentissait dans sa tête et il pensait à rien d’autre.

Le messager connaissait la célébrité de ce Duché et de son Duc.
Il était ravi de s’y rendre, mais s’accrocher fortement à son étendard blanc l’annonçant en paix.

Il avait aussi entendu dire que le Duc Amiaz Folhardeur avait été nomé Plénitotentiaire Impérial Extraordinaire et devait se rendre à Keutatinopol. Il espérait tout de même pouvoir remettre son message à quelqu’un.

S’étant diriger vers l’Ouest du Duché il était arrivé aux pieds de Castel d’Uzas.
Il frappa et attendit qu’on lui réponde.

La nuit est tombée depuis plusieurs heures. Sur les remparts, non loin de la porte, Enguerran, une sentinelle, vient s'arrêter quelques instants près d'un brasero. Le vent septentrional souffle. Il siffle et mord tant, qu'en Uzas on le nomme serpent du nord. Même les montagnards du Sud le connaisse, car le serpent du nord sait ramper entre les monts neigeux, et se rafraîchir plus encore. Frissonnant, le garde s'apprête à poursuivre sa patrouille, quand il entend le bruit caractéristique de sabots sur le pavé.

L'homme qui s'approche affiche un étendard d'une couleur claire. La lune, timide, cache ses formes derrière les draperies célestes ; impossible pour Enguerran de définir précisément la couleur. Avant même qu'il n'ait pu demander de décliner une identité, le cavalier approche et frappe à l'huis. Sous la lumière des torches de la porte, il voit son étendard blanc, symbole universelle de paix. Plus bas, Bartrand le portier grogne :

- Qui va là ? tonne-t-il.

- Laisse passer Bart, je m'en occupe, c'est un gars qui vient en paix, réplique Enguerran, d'une voix suffisamment forte pour être entendu de là où il est perché.

Sur le même ton, le portier répond :

- Tu sais bien que j'peux pas 'Guerran ! Quand c'est p'us l'heure, c'est p'us l'heure !

Pour éviter de réveiller la moitié du faubourg populaire, Enguerran a la présence d'esprit de descendre l'escalier du rempart pour poursuivre la conversation.

- Ouvre, je te dis. Le type est pas plus armé qu'une puterelle des Charmants Faubourgs.

Bart finit par ouvrir la petite porte creusée dans la grande, destinée au passage d'une personne.

Le Castel d’Uzas était une structure imposante trônant fière face à ses terres. Il regardait la magnificence de ce palais fabuleux et se disait qu’il aurait bien voulu visiter ses lieux.

Le jeune messager était descendu de sa monture et attendait de pied ferme que quelqu’un lui fasse signe. La nuit était tombée et il avait peur de devoir la passer dehors dans le froid.

Soudain il entendit des voix d’élever derrière les remparts, quelqu’un était là et le grincement de la porte qui s’ouvrit devant lui l’empli de joie.

Un homme se tenait face à lui et le scrutait comme une chose bizarre.

Un petit instant de flottement fige la course des étoiles. Le portier fixe le messager d'un œil hagard, endormi et plein de reproches. Non seulement le messager en face le réveille en pleine nuit, mais en plus c'est un aphone. Ou un abruti.

Bart le portier, pourtant peu élevé dans la hiérarchie des intellectuels de Castel-d'Uzas, et donc peu qualifié pour porter de tels jugements, opta pour la seconde option. Il pouvait, en effet, sembler original de confier la tâche de messager à un aphone.

- Bah alors, tu vas nous dire qui vous êtes, m'sieur ? Ou bien on vous tient la porte toute la nuit ? C'est pas comme si tu dérangeais !

Enguerran, de nature compréhensive, a un regard plein de pitié pour le messager diminué mentalement.

- Ne fais pas attention à lui, mon petit. Tu as un message à donner ? Ton chef t'as donné un bout de parchemin ?dit-il d'une voix lente et douce. Si tu dois le remettre en main propre, on te conduira à l'un des conseillers du Duc, ne t'en fais pas.

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