[QL: Un Pont Par Dessus la Mer] 2 - L'arrivée du Duc d'Ermaudine

Ambisi n'y tenait plus.
Depuis l'annoncée de la venue du seigneur Arthas, elle ne cessait de changer de toilette, cherchant celle la plus appropriée à un tel évènement.
Elle avait déjà déterminé plus ou moins la coiffure idéale et elle avait enfin l'occasion de se couvrir de la poudre de perles qui lui donnait l'air d'avoir la peau presque aussi blanche que celle de Cahaya...
Elle voulait être apprêtée à la mode d'Ilmengard.

Ambisi était jolie mais pour ce qu'elle avait prévu de faire de sa vie, ca ne suffisait pas... Elle croyait devoir être sophistiquée afin de se faire remarquer par la bonne personne.
Des tenues de multiples couleurs chatoyantes faites de différents tissus, recouvrait toute la surface de sa chambre... Allait elle se décider pour de la dentelle mauve de soie naturelle?

Cette jeune fille de 17 ans, en faisait trop... A cause de son obsession, elle avait perdu la plupart de ses amies et de ses relations. Pour elle, seul son futur sur le continent importait, sa mère s'en inquiétait mais elle en avait cure...
Bunga, sa mère, avait grandi a Monriyan. Elle avait eu la chance d'être l'enfant unique de la servante d'un vieil érudit qui l'avait pris sous son aile. Pour elle, c'était une sacrée chance mais Ambisi ne le voyait pas du même œil. Elle avait confiance en elle, en son savoir et en son charme. Elle vivrait en Ilmengard et ce ne sera pas comme servante.

Elle se regardait dans le miroir et appréciait ce qu'elle y voyait...
Le choix du violet permettait de mettre en valeur sa peau rendue pale artificiellement. Ses cheveux tressés et remontés tel un anneau au dessus de sa tête la vieillissait un peu ce qui n'était pas pour lui déplaire.

Je suis prête à vous servir messire.

Elle posa une main sur le rebord de la fenêtre de son petit foyer, donnant sur la voie principale menant au port et attendit patiemment.
Quelque chose, une intuition, lui assurait que le seigneur Arthas ne tarderait pas à passer...

Cahaya allongeait le pas...
De petits cailloux noirs, brillant au soleil, roulaient sous ses semelles.
Une journée trop belle pour être enfermée ou pour servir de "garde du corps" à un seigneur étranger, pensait elle tout en feuilletant son petit livre.
Elle était partagée entre l'excitation d'enfin rencontrer un habitant du continent et l'ennui de devoir parler un idiome différent durant une période indéterminée tout en suivant ou devançant un homme inconnu à travers les territoires de son clan.

L'heure n'était plus aux révisions et même le Tari devrait attendre...
Fermant son ouvrage, elle leva une nouvelle fois la tête vers le ciel. Ouvrant largement les bras, elle fit une demi pirouette pour se retrouver face aux volcans.
Elle sourit à leur vue, puis, rassérénée, elle inspira lentement et profondément avant de reprendre sa route.
Elle devait bien l'avouer, il n'y avait pas que la présence du seigneur Arthas et ses futures fonctions à ses cotés qui la mettaient un peu mal à l'aise.

Une belle et grande bâtisse, faite d'une mosaïque des pierres noires volcaniques et rouges des montagnes, apparu dans le paysage. La jeune fille l'avait toujours trouvé imposante pas seulement par sa taille mais aussi par l'aura particulière et exotique qui s'en dégageait. Une maison à deux étages, construit d'après Bunga, suivant la mode de l'architecture Ilmengarde.
Arrivant au bas des marches du perron, la porte s'ouvrit sans que Cahaya n'eut l'occasion d'annoncer sa présence. Cette dernière ouvrit de grands yeux surpris et ses lèvres pleines s'entrouvrirent.
Ambisi se tenait là, face à elle. Une tenue mauve magnifique, élégamment agrémentée d'une coiffure et d'un maquillage qui la mettait en valeur. Elle était très belle, non pas ravissante comme elle l'a toujours été mais séduisante telle une vraie femme. Rien dans ce qu'elle laissait paraitre ne trahissait son age véritable: 16 ans.

Bonjour Cahaya.
Elle descendit calmement l'escalier, ses talons résonnant à chacun de ses pas. Le soleil jouait avec sa chevelure de jais et la parait de nuance d'or et de saphir.
Malgré ces trois années, tu n'as pas changé... Tu devrais commencer par fermer la bouche, puis arrêter de me dévisager de la sorte. Pour une jeune fille de ta position, c'est inconvenant.
Elle avait énoncé cette phrase dans un Ilmengard parfait.

La jeune rousse, fermant la bouche et n'osant pas ouvrir son aide mémoire pour vérifier la signification du mot "inconvenant", repris contenance et répondit en Marga:
Salutations Ambisi, c'est un bonheur exquis de te revoir après toutes ces années. Je vois que tu te portes bien et que tu t'es apprêtée pour la visite guidée de ce noble seigneur. Cela te sied à merveille.
Elle avait observé son ancienne amie durant toute sa tirade, la voyant passer de l'incompréhension à l'irritation. Elle avait choisi ces mots avec soin, en sachant que certains d'entre eux pourrait être mal interprété par cette dernière vu les quelques lacunes qu'elle avait dans sa langue natale...

Tu ferais mieux de t'entrainer à l'Ilmengard.
Avec un sourire, la jeune rousse acquiesça, mais c'est en Marga qu'elle ajouta:
Nous devrions y aller, il y a fort à parier qu'il ait déjà accosté.

Sans un mot de plus, Ambisi ouvrit son ombrelle de dentelle blanche et pris la direction du port. Cahaya la suivit un moment, tout en continuant de l'observer en détail. Elle la rattrapa ensuite et c'est ensemble qu'elles virent enfin l'océan, bleu et scintillant, montrer le bout de son nez.

Comment va ta maman?

La jeune brune tressaillit en entendant le dernier mot mais ne releva pas.
Tu te décides en à me parler en Ilmengard?

Tu as raison, un peu de pratique avant de rejoindre le duc ne serait pas superflu.

Te voila sous de meilleurs hospices. Bunga, ma mère - elle accentua ce mot en regardant la rousse droit dans les yeux - ne va pas trop mal.
Comme tu le sais, cette période est toujours douloureuse pour elle, mais les cinq jours sont, par bonheur, bientôt terminés.

Elle en souffre toujours autant? Je pensais que cela s'atténuerait avec l'âge...

"Atténuer", joli! Je ne savais pas que tu connaissais ce mot. répondit elle un sourire au lèvres avant d'ajouter:
En ce qui la concerne, je n'en sais rien. Je ne crois pas qu'il y ait de différence à vrai dire... Tu lui demanderas.

Un silence pesant retomba entre les deux jeunes filles.
Changer de sujet, vite...
Ta robe est vraiment très belle.

Merci. dit elle simplement, le visage déformé par une moue tout à coup.

Sais tu que j'ai fait la plus grande partie du travail de broderie de cette dernière?
Je suis heureuse de voir que mon œuvre a été si bien utilisé et est si bien porté.

Elle fronça les sourcils.
Ne viens tu pas de me dire que c'était une tenue de vieille?

Oh, non. Je n'aurai jamais pu dire cela de mon propre travail... Cahaya sourit intérieurement, se rendant compte qu'elle avait vraiment réussi a tromper Ambisi en lui parlant Marga tout à l'heure... C'est triste tout de même, sa propre langue...
Il te va à merveille.

C'est gentil, merci encore. Elle sourit.
Puis je te poser une question?
La jeune rousse hocha la tête.
Comment peux tu savoir qu'il s'agisse de ta dentelle?

Dans certains motifs, j'y ai introduit une particularité. Je la retrouve ici, ici et là par exemple.

Intéressant...

Et c'est à nouveau en silence qu'elles cheminèrent encore un moment.
Cette fois ci, aucune d'elle ne chercha à le rompre. Un groupe s'approchait d'elle...

C'est la bouche sèche que Cahaya s’avançait vers un petit groupe qui ne pouvait être constitué que d'habitants d'Ilmengard.

Leurs tenues ne permettaient aucun doute... La jeune rousse n'avait jamais vu d'hommes porter d'armures et surement pas d'aussi étincelantes.
Les Margas sont devenus pacifiques avec le temps mais leur histoire à commencé avec le sang comme me le rappelle tous les jours l'armure noire et rouge de Père qui trône dans le fond de sa chambre...
Les hommes qui se dirigeaient vers eux avaient le teint pale et brillaient d'une lueur qui faisaient presque mal aux yeux.
Un jeune homme brun au port altier et vraiment mignon, il faut l'avouer, se détachait des autres. Il marchait d'un pas décidé, du pas de celui qui sait où il va.

Ambisi se mit à sourire, elle avait l'air heureuse de son future rôle. Elle fixait le jeune homme, le seigneur Arthas à ne pas en douter, avec avidité...
A moins de trois toises de ce dernier, elle ferma son ombrelle et me l'a tendit. Je la pris et la vit se fendre d'une grande révérence. Levant les bras en un geste ample, elle releva ensuite les pans de sa robe et fléchi les genoux, plaçant son pied droit derrière son pied gauche.
Je connaissais le geste mais encombré de ce mini parasol, je ne pu en faire autant. Rougissante, et non sans préalablement avoir jeté un regard noir à mon ancienne amie, je fis une petite révérence fléchissant les genoux et gardant les bras ballants.

Le duc s’arrêta à notre niveau.
Ambisi enchaîna: Seigneur Arthas, duc d'Ermaudine, veuillez accepter les salutations de votre guide "Ambisi" accompagnée de la jeune Cahaya, fille d'Askar, chef du clan des Margas.